70e anniversaire de Franz #Beckenbauer#Beckenbauer, 70 ans de règneFigure mythique, couronné de tous les succès,
Franz #Beckenbauer ne s'est jamais laissé dicter sa conduite, toujours certain que sa volonté lui ouvrirait les portes d'un destin radieux. Alors qu'il fête aujourd'hui ses 70 ans, SO FOOT revient sur l'histoire de ce fils de postier né en 1945 dans un Munich en ruines, devenu la lumière du football allemand.
La marche de l'Empereur«
Et à quoi, au fond, reconnaît-on l'épanouissement physique ?
À ce qu'un être épanoui fait du bien à nos sens ;
à ce qu'il est taillé dans un bois qui est à la fois ferme, tendre et odorant. Il n'a de goût que pour ce qui lui fait du bien ; son plaisir, son envie cessent là où la mesure de ce qui convient est franchie. Il invente des remèdes contre les lésions, il exploite à son avantage les hasards malencontreux :
ce qui ne le fait pas périr lui donne des forces. D'instinct, de tout ce qu'il voit, entend et vit, il amasse son propre capital : il est un principe de sélection, il élimine bien des choses. Il est toujours dans sa société bien à lui, qu'il commerce avec des livres, des hommes ou des paysages ; par son choix, il honore ce qu'il a choisit, ce qu'il admet, ce à quoi il fait confiance. À toutes sortes de sollicitations, il réagit lentement, avec cette lenteur dont une longue prudence et une fierté délibérée lui ont imposé la discipline. Bien loin d'aller au-devant d'elle, il examine attentivement la sollicitation qui se présente à lui. Il ne croit ni à la "malchance", ni à la "faute" : il vient à bout de lui-même et des autres, il sait oublier -
il est assez fort pour que tout, nécessairement, tourne à son avantage. » Ainsi se décrit Friedrich Nietzsche en 1888 dans Ecce Homo, mais il annonce aussi l'avènement d'un autre être semblable : Franz
#Beckenbauer.
Toute sa vie,
#Beckenbauer a fait plier le réel à la force de sa volonté. Tout ce qu'il a entrepris, il l'a réussi, ou presque. Son palmarès en témoigne. Sur le terrain : cinq titres de champion d'Allemagne, quatre Coupes d'Allemagne, trois Coupes d'Europe des clubs champions, un Euro, une Coupe du monde, ainsi que d'autres coupes diverses, des titres en NASL et une ribambelle de récompenses individuelles. Sur le banc : une autre Coupe du monde, un championnat de France, une Bundesliga, une Coupe de l'UEFA. En tribune : BuLi à foison et grandes oreilles en tant que président du Bayern, et puis encore une Coupe du monde en tant qu'organisateur. À première vue, on pourrait croire que tout ce qu'il touche se transforme irrémédiablement en or. Pourtant, comme Crésus, derrière l'évident don, il y a lutte. «
C'est le héros de notre nation. Mais ça ne lui est pas tombé dessus. Il a acquis ce statut à la sueur de son front », dit ainsi de lui
Günter #Netzer.
Des ruines comme toile de fond, un mur comme amiComme tous les grands, l'empereur est né sur un champ de bataille - les ruines de Munich - le 11 septembre 1945, dans le quartier ouvrier de Giesing. Si vous voulez un symbole de la reconstruction de l'Allemagne sous occupation alliée et Adenauer, il est éclatant. Son père, Franz Sr, employé postal, méprise le football. Qu'importe, le gosse passe ses journées à taper le ballon contre un mur dans le jardin. «
Ce mur était le plus honnête des coéquipiers », a-t-il expliqué plus tard. «
Si tu faisais une passe correcte, tu la récupérais correctement. » Déjà, Franz fait ce qu'il veut. À neuf ans, il rejoint les rangs du SC Munich '06. Alors attaquant, fan de
Fritz #Walter, il rêve de Munich 1860. Et puis arrive un tournoi de jeunes, le dernier du SC à cause de finances difficiles. Avec ses amis, le buteur décide de rejoindre son équipe de cœur à la fin de la compétition. Sauf qu'il la retrouve juste avant : en finale. Le match est dur, les contacts des plus rugueux, les embrouilles nombreuses.
#Beckenbauer finit par prendre une gifle du central adverse. Un tournant. Direction l'autre Munich pour la clique. Un choix qui paraît évident aujourd'hui, mais loin de l'être alors. À l'époque, le Bayern n'est qu'un parent pauvre, même pas invité à la première édition de la Bundesliga. Franz continue de jouer avec le destin en 1963. Il a 18 ans, sa petite amie est enceinte, il refuse de l'épouser. L'affaire s'ébruite, la DFB (fédé allemande) l'exclut des sélections de jeunes. Heureusement,
Dettmar Cramer intervient et œuvre pour sa réintégration. Peut-être la première et dernière fois qu'il doit quelque chose à quelqu'un. L'Allemagne a failli passer à côté de sa légende, et
#Beckenbauer de la sienne. Elle commence tout juste.
But fantôme et bras casséPour sa première saison complète avec l'équipe première, en Regionalliga Süd, alors milieu, il inscrit 17 buts, participant activement à la promotion du club bavarois. Un talent auquel la Bundesliga ne peut résister, pas plus qu'
Helmut Schön, qui l'amène à la Coupe du monde 1966 malgré son jeune âge et les critiques subséquentes. Évidemment,
#Beckenbauer brille dans la plus belle des compétitions, inscrivant quatre buts, dont une superbe frappe à
Lev #Yashin en demi-finales contre l'URSS. En finale,
Helmut Schön lui demande un marquage individuel sur
Bobby Charlton, ce qu'il fait superbement. Mais
Gottfried Dienst et
Tofiq Bahramov accordent le «
Wembley-Tor » ; l'Angleterre finit par s'imposer 4-2. Loin de blâmer l'arbitrage, Franz préfère reconnaître a posteriori que «
l'Angleterre nous a battus parce que Bobby Charlton était juste un tout petit peu meilleur que moi ». Un simple contretemps dans sa conquête du monde.
Quatre ans plus tard, face à ces mêmes Anglais en quarts, il tient sa revanche.
#Beckenbauer marque,
Alf Ramsey sort
Charlton, son influence grandit encore un peu, et l'Allemagne gagne après avoir été menée 2-0. Le Bavarois est encore milieu central, n'a que 24 ans, ne porte pas encore le brassard. Pourtant, c'est déjà un véritable leader. Preuve en est faite lors de la demi-finale contre l'Italie à Mexico, une rencontre qu'on qualifiera plus tard de «
match du siècle ». À la 70e, son épaule droite se luxe après un contact. Le bras en écharpe, la main sur le cœur, il continue de courir pendant cinquante longues minutes, preuve vivante qu'il y a des tripes derrière la classe. La Nazionale finit par l'emporter 4-3 grâce au but à la 111e de
Gianni Rivera, mais l'Allemagne et surtout
#Beckenbauer méritent les honneurs. Le London's Evening Standard parle de lui comme d'un «
officier prussien blessé, battu, mais fier ». Sauf que Franz n'a rien d'un officier, c'est un empereur; il ne sera - presque - plus jamais battu.
Le dernier empereurParce que, quelque part,
Franz #Beckenbauer a toujours été le Kaiser. Comme souvent, la frontière entre l'homme et le joueur est infime. Devenu libéro, il glisse hors de la défense avec puissance et précision. Personne n'est sur sa route, parce qu'il en décide lui-même. Il escamote le ballon des attaquants lancés d'un geste sûr, tout en maîtrise. «
Il donnait l'impression suivante : "
N'essayez même pas. C'est une perte de temps que d'essayer de m'affronter." » (Sir Bobby Charlton). Il ouvre la voie d'une passe, parfois d'une frappe, cuisinant caviar sur caviar sans jamais se tromper dans la recette, qu'il réinvente à loisir. Surtout, son buste est droit, toujours, sa tête haute. Essayez de l'imaginer en train de trébucher, ou de renverser sa bière sur lui : c'est impossible. Beckenbauer échappe à la maladresse.
Brian Clough : «
J'ai une fois vu Franz Beckenbauer entrer dans un restaurant, et il l'a fait de la même manière qu'il jouait au football :
avec classe et autorité. »
Reste à savoir quelle version de l'histoire derrière le nom privilégié. La plus prosaïque, validée par le principal intéressé lui-même, parle d'une photo prise à côté d'un buste du
Kaiser Franz Joseph I, datant du 3 août 1971. La plus romantique remonte au 14 juin 1969. Finale de DFB-Pokal, Bayern-Schalke.
#Beckenbauer fait faute sur le meilleur joueur de Schalke,
Reinhard Libuda, surnommé «
der König von Westfalen » (le roi de Westphalie), se fait copieusement huer, emmène le ballon dans un coin, jongle pendant quarante secondes avec le pied et la tête. Suffisant pour la presse - seul un empereur pouvait dépasser un roi.
Beckenbau-orEn 1974, le Kaiser domine enfin le monde. La Hollande, le Totaalvoetbal et
Johan #Cruijff sont à terre. Là encore, cela n'a pas été une partie de plaisir, l'Allemagne se retrouvant menée avant même de toucher le ballon. Cœur au sang-froid,
#Beckenbauer est sûr de son destin, seul à s'occuper de
Johan #Cruijff et
Johnny #Rep, trottinant tranquillement devant eux comme un homme avec ses chiens. Les Oranje oublient de marquer le deuxième but,
#Breitner égalise,
#Müller consacre. Chez lui, à Munich, brassard au bras, il peut soulever le trophée, point d'orgue de l'âge d'or du football allemand - son ère. Lui qui avait déjà mené la Nationalmannschaft à son premier titre européen deux ans plus tôt, et le Bayern à sa première Ligue des champions en mai 1974, précédant deux autres d'affilée.
De fait, le titre mondial scelle son statut de superstar, «
le Pelé blanc » comme l'appelle Kicker. O Rei, qui le côtoiera plus tard au Cosmos, confirme la noblesse et la parenté : «
Franz Beckenbauer est mon frère allemand. » Néanmoins, si l'on en croit son coéquipier
Günter #Netzer, sa plus grande contribution n'a rien à voir avec son niveau footballistique hors du commun. Après la défaite surprise face à la RDA lors de la première phase de poules, le moral est au plus bas. Le Kaiser réunit alors l'équipe, prononce un discours sans langue de bois, pointant du doigt tous les joueurs pas au niveau, et refait l'équipe pour le reste du tournoi avec Schön. «
De toutes ces pierres à l'édifice du football allemand, celle-ci est la plus importante. Il a pris les choses en main alors que la situation était épouvantable, que l'équipe était sur le point de s'effondrer. Il a protégé Schön et a rebâti l'équipe avec lui. »
#Beckenbauer n'a peur de personne, surtout pas de la DFB. Avant le tournoi, il négocie les primes jusqu'au bout de la nuit au cours d'une discussion des plus houleuses. Après la victoire, il ordonne à ses joueurs de quitter le banquet organisé, sous prétexte que leurs femmes se sont vu refuser l'entrée. Personne ne peut lui résister. Pour l'instant.
Le monde ne suffit plus, place au CosmosVaincu par l'audace d'
Antonin Panenka en 1976, Franz prend sa retraite internationale et quitte le Bayern avec trois Coupes d'Europe des clubs champions dans la besace. Direction le New York Cosmos, payé plus d'un million de dollars par un TimeWarner des plus ambitieux. Pour ses débuts au Giants Stadium, il évolue bien sûr en tant que libéro, ne montant que lorsqu'il le faut. Le président du club demande alors à
Eddie Firmani, le coach : «
Pourquoi est-ce que ce gars que nous avons payé un million de dollars joue à l'arrière de l'équipe ? » Le coach répond : «
C'est sa manière de jouer. Personne ne le fait mieux que lui. » «
On n'a pas payé un million de dollars pour un gars qui rôde derrière. Dis-lui de ramener son cul devant. »
#Beckenbauer refuse : il continuera de jouer à sa manière.